Edito
Le Patrimoine, les élites et les édiles
Le Patrimoine n’a pas toujours bonne presse, hormis les monuments connus et les grands édifices du pays, il est peu présent dans les médias en dehors de quelques. Emissions emblématiques et quelques vulgarisateurs courageux dans une perspective souvent historique. Le patrimoine public est parfois mal considéré, non entretenu, parfois bradé. Le patrimoine privé est parfois vu comme injuste et reflétant les inégalités, sujet sensible dans le pays, donc un élément à taxer (le patrimoine bâti français étant le plus taxé au monde, cela mesure l’indifférence qu’il suscite) ou à réduire. L’absence de vision historique et culturelle concernant le patrimoine au sens large fait partie à ce titre de ce qu’il est à la mode de nommer dé-civilisation.
La position des élites politiques et sociales est ambiguë sur le sujet. D’un côté, elles profitent parfois du beau patrimoine historique existant, de l’autre elles focalisent plus sur l’architecture moderne et l’art contemporain, plus à la mode et qui relève d’un domaine compétitif, en miroir de la financiarisation de l’économie et à la montée d’une nouvelle classe sociale. La nouvelle aristocratie est rarement séduite par le patrimoine ancien et consacre peu de moyens à son entretien et à sa rénovation. Les politiques ne sont pas en reste et il suffit de voir la pauvreté des programmes sur le patrimoine de la dernière élection présidentielle (voir sur ce sujet le dossier Prodomo dans nos documents).
Quant aux édiles, principalement ceux qui gèrent nos villes et nos communes, il est difficile de généraliser un facteur qui dépend de la sensibilité historique et artistique de chacun, mais force est de constater que dans la plupart des villes et villages, une modernité effrénée est à l’œuvre depuis une cinquantaine d’années, avec un dévoiement régulier de toutes les règles d’urbanisme. Ce phénomène est indépendant de la coloration politique et essentiellement dû à un problème d’intérêt et d’argent. On a très souvent une double peine : destruction d’édifices ou de quartiers anciens et reconstruction d’édifices de béton et de verre qui défigurent souvent les villes et leur esprit.
Au-delà des villes et villages, d’autres facteurs, dont le climat, entrainent une défiguration progressive mais quasiment irréversible des paysages et des côtes, avec le développement impressionnant des éoliennes terrestres et maritimes. Il n’y a dans ce domaine une opinion désemparée mais aucun frein légal et très peu de protection des zones rurales concernées, donc une dégradation subie sans moyens de défense.
Prodomo considère que dans ce contexte difficile avec la la limitation des moyens consacrés au Patrimoine, le manque de mise en valeur du patrimoine ancien et des paysages, le désintérêt des élites et des édiles, il faut chercher des solutions pour inverser la tendance. Ce pourraient être la sensibilisation des citoyens au patrimoine, qui n’est pas un luxe, mais un facteur d’identité et de fierté d’une nation, la création d’un mouvement d’activistes, militant au-delà du lobbying usuel, capables d’aider à préserver ou sauver le patrimoine et enfin de redonner la parole au peuple, qui reste attaché à ce qui un bien commun précieux, patrimoine et à ses paysages, par exemple sous forme de référendum. Il se pourrait alors que certains prennent enfin conscience de ce qui est au fond un enjeu de civilisation pour nos concitoyens.
François Vilnet,
Président